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LIPOGRAMME EN E

 

Ali Baba : un magot trop lourd !

Ali Baba avait trop d’amis. Son or l’avait promu à un rang fort haut. Son occupation du jour consistait à fournir aux mauvais garçons sa part du butin d’alors. Car un patron à larcins vivait toujours. Il condamnait Ali à mourir s’il gardait tout l’or pour lui. Alors Ali donnait à tout brigand son quart du magot qu’il avait soustrait au vizir d’antan.

Son capital n’offrait aucun plaisir à Ali, il n’avait pas d’ami vrai hormis Adhmir. Pas sûr.
Il n’avait pas satisfaction à dormir toujours, quand son ami, Adhmir vivait la nuit dans d’harassants tripots. Il dilapidait son pognon, son fric.. Il baisait putains ou catins. Ali, non ! Zob ! Son ami, un soir il avait voulu partir du pays.

Alors par un matin froid, quand il avait mis son magot à l’abri, il alla voir son copain dans sa casbah. Il lui passa un savon pour avoir fait l’animal quand ils sont sortis sans lui. Pourquoi son ami, son copain avait-il voulu fuir sans lui la nuit d’avant ?

Adhmir lui dit  " Mais non ! " qu’il avait un soir voulu partir sans Ali, pour un lointain pays, mais il n’avait pas pu. Alors il alla voir sa maman pour avoir un pardon. Mais il n’avait pas couru loin, il habitait toujours à Bagdad.

Ali baisa son ami sur son front. Nonobstant, il aurait toujours un partisan pour agir sur son brigand. Il l’arma. Sa main gardait un yatagan sur son flanc sous son caban au cas où il subirait un vol.

Ali revint à sa maison à grands pas. Il clôtura son huis.
Son sort, dû au hasard, n’assurait aucun futur.

Jamais capital n’offrira un paradis.

Pedro 

 

RECUEILLEMENT

Chanson, par un fils adoptif
du commandant Aupick

Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille
Tu réclamais le Soir . il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.



Pendant que des mortels la multitude vile.
Sous le fouet du Plaisir. ce bourreau sans merci
Va cueillir des remords dans la fête servile.
Ma Douleur, donne moi la matin ; viens par ici.


Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années"
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;



Le Soleil moribond s'endormir sous une arche.
Et. comme un long linceul traînant à l'Orient.
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.

 

Charles Baudelaire in LES FLEURS DU MAL

Sois soumis, mon chagrin, puis dans ton coin sois sourd
Tu la voulais, la Nuit ; la voilà ; la voici
Un air tout obscurci a chu sur nos faubourgs,
Ici portant la paix, là bas donnant souci


Tandis qu'un vil magma d'humains, oh, trop banals,
Sous l'aiguillon Plaisir, guillotin sans amour,
Va puisant son poison aux puants carnavals.
Mon chagrin. saisis moi la main. là, pour toujours


Loin d'ici Vois s'offrir sur un balcon d'oubli.
Aux habits pourrissants, nos ans qui sont partis ;
Surgir du fond marin un guignon souriant ;


Apollon moribond s'assoupir sous un arc
Puis, ainsi qu'un drap noir traînant au clair ponant
Ouïs, Amour, ouïs la Nuit qui sourd du parc




Georges Perec in LA DISPARITION

Le texte de Georges PEREC est extrait de l'ouvrage OULIPO, La littérature potentielle, Collection Folio/Essais n°95 et Éditions Gallimard,1973